Les derniers vœux de Charles de Gaulle aux Français, le 31 décembre 1968, juste après les « évènements » de 1968 et la crise sociétale et économique qui en a découlé. On y retrouve un soucis permanent de la santé de la « France », de la crainte des fameux « préteurs étrangers » et une confiance inaltérable au peuple français.
Texte intégral du discours de Charles De Gaulle :
Françaises, Français !
De tout mon cœur je souhaite une bonne année à la France. Par là même, mes vœux vont à chacune et à chacun de vous, car quand la France est malheureuse, il n’y a pas de bonheur pour des Français dignes de ce nom. Mais quand la France réussit, tous ses enfants voient grandir leur chance. Oui tous, c’est-à-dire, ceux de notre métropole, ceux de nos départements et territoires d’Outre-mer, ceux qui vivent à l’étranger et enfin, cas très émouvant et qui nous est d’autant plus cher, ceux de la nation Française au Canada.
Nos meilleurs souhaits d’autre part à tous les peuples de la terre où la France d’à présent ne se connaît pas d’ennemi. Que sera 1968 ? L’avenir n’appartient pas aux hommes et je ne le prédis pas. Pourtant en considérant la façon dont les choses se présentent, c’est vraiment avec confiance que j’envisage pour les 12 prochains mois, l’existence de notre pays. Bien entendu tous les intérêts, toutes les tendances, tous les désirs ne seront pas comblés l’année prochaine. Il est sûr que nous subirons diverses épreuves, déceptions et lacunes. Je ne doute pas que de multiples griefs, regrets, critiques auront de quoi s’alimenter.
Les vers de Verlaine, « mon Dieu, mon Dieu, la vie est là, simple et tranquille« , peuvent évoquer une paisible demeure, non pas un grand peuple en marche. Je crois cependant qu’au total, à moins de grave secousse qui bouleverserait l’univers, notre situation continuera de progresser et que tout le monde y trouvera son compte. Dans l’ordre politique, nos institutions seront appliquées, on ne voit donc pas comment nous pourrions être paralysés par des crises telles que celles qui nous ont jadis fait tant souffrir. Au contraire on peut espérer que l’ardeur du renouveau faisant son chemin et ces promoteurs, surtout les jeunes faisant leur œuvre, notre république trouvera des concours de plus en plus actifs et étendus.
De toute façon, au milieu de tant de peuples secoués par tant de saccades, le nôtre continuera de donner l’exemple de l’efficacité dans la conduite de ses affaires. Dans le domaine économique et social, si l’immense transformation qu’accomplit la nation Française doit comporter forcément pour elle de janvier jusqu’à décembre des efforts et des difficultés, c’est tout de même avec espoir qu’en son nom, je salue l’année 1968. Il semble bien qu’en effet que notre industrie, notre agriculture, notre commerce, nos activités de pointe, réaliseront l’avance qui est visée par les réformes, les lois et les crédits que leur consacre actuellement l’État. L’année 1968, je la salue avec sérénité, parce qu’on peut croire que la suppression prochaine des barrières douanières à l’intérieur du Marché Commun et le surcroît de concurrence qui en sera la conséquence, n’empêcheront chez nous, bien au contraire, l’expansion d’augmenter encore le niveau de vie de s’élever davantage.
Les conditions de l’emploi de devenir meilleures, compte tenu des mesures qui sont prises et de celles qui au besoin le seront à cet égard, l’année 1968, je la salue avec satisfaction parce que grâce à l’intéressement du personnel au bénéfice d’un grand nombre d’industries, elle va marquer une importante étape vers un ordre social nouveau.
Je veux dire, vers la participation directe des travailleurs au résultat, au capital et aux responsabilités de nos entreprises Françaises.
Quant à notre action à l’extérieur, nous allons la poursuivre sur la base de notre indépendance, désormais recouvrée, après une éclipse qui durait depuis plusieurs générations. Cette action vise à atteindre des buts liés entre eux et qui parce qu’ils sont Français, répondent à l’intérêt des hommes lesquels, un but de la France, c’est l’union de l’Europe toute entière, par la pratique entre son occident, son centre et son orient, de la détente, de l’entente et de la coopération, où nous-mêmes, nous sommes franchement engagés.
Par l’affermissement du Marché Commun, pourvu qu’il tende à l’affranchissement et non pas à la subordination de l’ouest de notre continent. Un jour peut-être par l’élargissement de cette communauté, dès lors que les candidats se seraient mis politiquement, économiquement, monétairement en mesure d’y entrer sans la détruire ni la dévoyer.
Un autre but de la France, c’est le progrès des peuples en voie de développement, progrès qu’on doit faciliter en aidant à leur avance économique et culturelle, en stabilisant les prix mondiaux de leurs matières premières, en favorisant l’accès sur les marchés de ce que fabrique leur jeune industrie et là où il le faut, en leur fournissant les vivres pour les populations affamées.
Mais le but primordial de la France c’est la paix, la paix que tout en nous assurant les meilleurs moyens possibles de dissuasion et de défense, nous voulons maintenir pour nous-mêmes, comme nous le faisons intégralement depuis tantôt 6 années mais qu’aussi nous entendons voir rétablir là où elle a été brisée. Il s’agit naturellement avant tout, du Vietnam et du Moyen-Orient. Dans un cas comme dans l’autre, tout démontre à quel point étaient justifiés les avertissements que le bon sens et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, nous a fait donner à deux États à qui nous voulons que du bien.
Tout prouve maintenant que pour trouver une issue à ces guerres, il n’y a pas d’autre voie que celle que nous proposons. Tout indique que de ce fait, nous serons un jour en situation de contribuer au mieux, aux solutions internationales.
Françaises, Français, voilà le cadre humain, actif et pacifique que 1968 paraît offrir à la Nation. Ce cadre-là, vous toutes, vous tous et moi aussi, puissions-nous le remplir de telle façon que l’année soit bonne et qu’elle fasse honneur à la France.
Vive la République ! Vive la France !